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Droit européen et international

Date de publication: 04-11-2022

Le 28 juin 2022, la Cour européenne des droits de l’Homme a rendu un arrêt intéressant concernant le droit à un procès équitable et la portée d’une déclaration de la Belgique admettant que la police avait commis des exactions lors d’une interpellation en violation de l’article 3 de la Convention.

Il s’agissait d’un requérant qui, lors d’une intervention de police, avait été violenté par des policiers. A la suite de cet événement, deux procédures judiciaires ont été ouvertes : la première était à charge du requérant pour chef de coups aux agents qui l’avaient interpelé et de rébellion ; la seconde était quant à elle à charge des policiers pour chef de coups ou blessures volontaires.

Dans le cadre de la seconde procédure, étant donné que les juridictions belges avaient décidé d’un non-lieu, le requérant avait saisi la Cour parce qu’il considérait avoir subi une violence excessive de la part de policiers tant lors de son arrestation que durant sa privation de liberté. Il aurait été victime de mauvais traitements qui, selon lui, étaient motivés par des préjugés racistes. Il a par ailleurs estimé que la Belgique aurait dû mener une enquête approfondie et effective afin d’identifier et de punir les policiers responsables (Boutaffala c. Belgique (déc.) n° 48302/15, 27 juin 2017).

Le Gouvernement belge avait soumis une déclaration unilatérale reconnaissant que « l’interpellation du requérant s’était déroulée dans des conditions qui n’avaient pas contribué au plein respect de son droit à l’absence de traitement dégradant garanti par l’article 3 de la Convention ».

Les parties étant parvenues à régler le différend à l’amiable, la Cour avait pris acte de ce règlement et avait rayé la requête du rôle.

Toutefois, en 2018, dans le cadre de la première procédure à charge du requérant, les juridictions belges avaient décidé de le reconnaitre coupable pour rébellion et pour coups à l’agent venu en renfort – malgré la déclaration unilatérale de la Belgique dans l’affaire Boutaffala c. Belgique du 27 juin 2017. Il a ainsi ressaisi la Cour en soutenant que son droit à un procès équitable avait été méconnu dès lors que les juridictions belges avaient minimisé la portée de la déclaration unilatérale de la Belgique.

C’est à la lumière de ces circonstances que la Cour a dû déterminer, d’une part, la portée et la valeur de la déclaration de la Belgique quant aux violences policières, et d’autre part, si le droit du requérant à un procès équitable avait été violé (Boutaffala c. Belgique, Requête n° 20762/19).

Concernant la portée de la déclaration, la Cour a constaté que les termes de ladite déclaration n’étaient pas limités aux seules circonstances ayant entouré le transfert du requérant vers le commissariat de police et donc aux injures des policiers. En effet, la Belgique avait expressément reconnu la violation de l’article 3 de la Convention s’agissant des conditions de l’interpellation du requérant (paragraphe 73). Elle ajoute également que même si cette déclaration n’empêche pas le requérant d’être coupable de rébellion, elle considère néanmoins que les juridictions devaient examiner avec une extrême prudence les allégations de faits de rébellion imputés au requérant et d’établir ces faits de manière certaine – quod non in specie (paragraphe 74).

Quant au droit à un procès équitable du requérant, la Cour a constaté que les juridictions belges avaient accordé un poids prépondérant aux déclarations faites par les policiers qui avaient directement participé à l’interpellation du requérant – alors que la Belgique avait reconnu que les conditions de cette interpellation avaient été contraires à l’article 3 de la Convention (paragraphe 80). Pourtant, la Cour a déjà rappelé à certaines occasions que lorsque sont contestés les faits essentiels à la base des chefs d’inculpation et que les seuls témoins de l’accusation sont les policiers qui ont joué un rôle actif dans les événements litigieux, il est indispensable que les tribunaux usent de toute possibilité raisonnable de vérifier les déclarations à charge faites par ces policiers, sans quoi il y aura une violation des principes fondamentaux du droit pénal, en particulier le principe « in dubio pro reo » (paragraphe 81). En l’occurrence, la Cour est arrivée à la conclusion que les juridictions belges n’étaient pas parvenues à établir « au-delà de tout doute raisonnable » que le requérant avait commis un acte de rébellion. De plus, elle a considéré que les juridictions belges n’avaient pas observé le principe « in dubio pro reo » qui implique que la charge de la preuve incombe, non pas à l’accusé, mais bien à l’accusation (paragraphe 89).

Par conséquent, la Cour a reconnu que la Belgique avait méconnu l’article 6 de la Convention puisque les juridictions belges n’avaient pas permis au requérant de bénéficier d’un procès équitable.

 

Pauline Baudoux

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