Domaines de compétences
Droit européen et internationalDate de publication: 20-12-2022
La Loi du 30 octobre 2022 portant assentiment au Protocole n°16 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH) a été récemment publiée au Moniteur Belge : https://www.ejustice.just.fgov.be/doc/rech_f.htm.
Pour rappel, le Protocole n°16 de la CEDH permet aux hautes juridictions des Etats membres du Conseil de l’Europe et signataires de ce Protocole de demander un avis consultatif à la Cour européenne des droits de l’Homme (ci-après « Cour EDH ») sur des questions relatives à l’interprétation ou à l’application des droits et libertés fondamentales définis par la CEDH ou ses protocoles.
Il convient cependant de souligner qu’au regard de l’article 1er de ce Protocole, « les plus hautes juridictions d’une Haute Partie contractante peuvent adresser à la Cour des demandes d’avis consultatifs (…) » (nous soulignons).
Il s’agit ainsi d’un système facultatif.
En outre, a contrario de ce qui est prévu dans le cadre d’un renvoi préjudiciel devant la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) (Voy. Article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’UE), seules les plus hautes juridictions nationales désignées par l’Etat membre signataire du Protocole ont le droit de faire une telle demande (Articles 1 et 10 du Protocole n°16 de la CEDH).
En l’occurrence, la Belgique a déclaré que les plus hautes juridictions visées par l’article 1er du Protocole seront la Cour constitutionnelle, la Cour de cassation et le Conseil d’Etat.
Il est aussi pertinent de souligner que, selon l’article 5 de ce Protocole, les avis consultatifs de la Cour EDH ne sont pas contraignants – ce qui à nouveau différencie le mécanisme prévu par le Protocole du renvoi préjudiciel devant la CJUE.
Concernant le type de questions qui peuvent être formulées, l’article 1er du Protocole indique que ces dernières doivent porter sur l’interprétation ou l’application des droits et libertés définis par la CEDH ou ses protocoles.
Toutefois, cette même disposition spécifie que la haute juridiction qui procède à la demande d’avis consultatif « ne peut solliciter (celui-ci) que dans le cadre d’une affaire pendante devant elle » et cette demande doit également être motivée, notamment en produisant des éléments pertinents du contexte juridique et factuel de l’affaire pendante (nous soulignons).
Par conséquent, une haute juridiction nationale ne peut poser une question hypothétique à la Cour EDH ou demander une révision théorique d’une législation nationale.
La Cour EDH a déjà rejeté des demandes d’avis consultatif (Voy, par exemple, Décision de la Cour EDH relative à une demande d’avis consultatif formée en vertu du Protocole no 16 concernant l’interprétation des articles 2, 3 et 6 de la Convention formée par la Cour suprême de la République Slovaque, Demande no P16-2020-001).
L’article 2 du Protocole prévoit à cet égard qu’un collège de cinq juges de la Grande Chambre se prononceront sur l’acceptation de la demande d’avis consultatif et tout refus doit être motivé.
Ce mécanisme de « demandes d’avis consultatif » prévu par le Protocole n°16 permettra sans aucun doute un dialogue plus étroit entre les juges des hautes juridictions nationales et ceux de la Cour EDH.
Il permettra, enfin, d’assurer une certaine cohérence concernant l’interprétation et l’application des droits et libertés définis par la CEDH et ses protocoles, que cela soit en Belgique mais aussi partout ailleurs, en Europe.
Pauline Baudoux
Avocate au Barreau de Bruxelles
Collaboratrice au sein du Département
droit européen et international
Cabinet Lallemand, Legros & Joyn