Domaines de compétences

Droit du travail et de la sécurité sociale

Date de publication: 08-11-2019

La Cour de Justice de l’Union européenne a interprété la loi belge comme étant trop restrictive en ce qui concerne la protection à garantir aux travailleurs qui apportent leur soutien à des collègues se plaignant de discrimination.

 

Une question préjudicielle a été posée par le Tribunal du travail d’Anvers à l’occasion des faits suivants : une entreprise belge avait refusé d’embaucher une travailleuse en raison de son état de grossesse. Ce fait étant établi et l’entreprise avait été condamnée, par les juridictions belges, à indemniser la travailleuse dont l’embauche avait été refusée. Par ailleurs, la directrice des ressources humaines (DRH) de l’entreprise en cause avait apporté son soutien à la travailleuse éconduite, en l’informant du véritable motif du refus. La DRH avait été licenciée neuf mois plus tard. Elle demandait également une indemnisation à son ancien employeur, considérant que son licenciement était directement lié au soutien qu’elle avait apporté à la travailleuse enceinte.

 

Le Tribunal du travail d’Anvers partage cet avis mais constate que l’article 22, §9, de la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes prévoit que : « la protection visée dans le présent article est également d’application aux personnes qui interviennent comme témoin par le fait que, dans le cadre de l’instruction de la plainte visée au § 3, elles font connaître, à la personne auprès de qui la plainte a été introduite, dans un document daté et signé, les faits qu’elles ont elles-mêmes vus ou entendus et qui sont en relation avec la situation qui fait l’objet de la plainte ou par le fait qu’elles interviennent en tant que témoins en justice; »

 

Or, la DRH ne rentrait pas dans les conditions de protection de cette disposition, d’un point de vue formel, n’ayant pas témoigné des faits de discrimination dans un document daté et signé.

 

La Cour de Justice a considéré que cette disposition de droit belge était trop restrictive par rapport à la directive qu’elle était supposée mettre en œuvre, à savoir l’article 24 de la Directive 2006/54 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail, intitulé « Protection contre les rétorsions » qui prévoit que : « Les États membres introduisent dans leur ordre juridique interne les mesures nécessaires prévues par la législation et/ou les pratiques nationales, pour protéger les travailleurs, y compris leurs représentants, contre tout licenciement ou tout autre traitement défavorable par l’employeur en réaction à une plainte formulée au niveau de l’entreprise ou à une action en justice visant à faire respecter le principe de l’égalité de traitement. »

 

La Cour de Justice a considéré que les restrictions formelles apportées par le droit belge limitaient indûment la protection qui doit être garantie aux témoins de discrimination qui apportent leur soutien à des collègues. En effet, la Cour a constaté qu’en l’absence de protection au sens large, les collègues témoins de discrimination : « qui sont idéalement placés pour soutenir cette personne et pour prendre connaissance de cas de discrimination commise par leur employeur, pourraient alors être découragés d’intervenir au bénéfice de ladite personne par crainte de se voir privés de protection s’ils ne satisfont pas à certaines exigences formelles, telles que celles en cause au principal, ce qui pourrait compromettre gravement la réalisation de l’objectif poursuivi par la directive 2006/54 en réduisant la probabilité que des cas de discrimination fondée sur le sexe soient détectés et résolus. »

 

  • A retenir : Même le soutien apporté de manière informelle à une victime de discrimination au travail peut permettre de bénéficier de la protection contre les mesures préjudiciables de l’employeur.

[1] CJUE, 20 juin 2019, C-404/18, Hakelbracht, Vandenbon, IEFH / WTG Retail BVBA

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